Faut-il prévenir la maladie d’Alzheimer ?

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Parmi les organisations internationales engagées contre la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées, le World Dementia Council est une structure fédératrice et engagée. Créé en 2013 dans le contexte du G8 de la santé, ce Conseil international a pour objectif de mener des actions au plus haut niveau politique et scientifique pour améliorer la vie des personnes touchées par la maladie ainsi que celle de leurs familles. En 2021, le World Dementia Council a mis en avant la prévention, comme axe de réflexion majeur.

Crédit Photo : Andrea Piacquadio, Pexel

/ Les avancées de la recherche sur le plan de la prévention

Depuis plus de cinq ans, de nombreuses études observationnelles ont validé le concept d’une prévention possible de la maladie d’Alzheimer. Ces études doivent être complétées par des essais de prévention expérimentaux dont le développement est fortement limitées par la complexité et la durée de ces essais, ainsi que le nombre d’individus à recruter.

Les présomptions de causalité identifiées dans les études épidémiologiques prospectives, à partir d’essais à petite échelle ou à partir de méta-analyses, commencent à convaincre de plus en plus de chercheurs et de médecins de la possibilité d’une prévention. En effet, en complément des traitements symptomatiques et curatifs à découvrir, la prévention pourrait être un acteur majeur de la lutte contre la maladie d’Alzheimer. Cette approche plus accessible et déjà exploitable est utilisée dans d’autres maladies chroniques comme les maladies cardiovasculaires, le diabète ou le cancer. Dans chacune de ces maladies, l’impact des traitements actifs est bien meilleur quand il est associé à une prévention quotidienne, principalement fondée sur des changements de nos habitudes de vie.

Comme pour certaines de ces maladies chroniques, la prévention de la maladie d’Alzheimer est davantage liée à la procrastination (tendance à repousser à plus tard la survenue des symptômes) qu’à la prévention dite primaire. Dans la majorité des cas, le processus dégénératif est déjà engagé lorsque les actions préventives sont mises en place. Ralentir le processus est alors considéré comme une prévention secondaire. L’objectif principal de la stratégie préventive dans le cas de la maladie d’Alzheimer consiste donc à repousser l’âge d’apparition de la maladie le plus tard possible, voire même après le décès, en raison du risque très élevé de décès d’une autre cause à ces âges avancés de la vie.

/ Faut-il prévenir la maladie d’Alzheimer ?

Avant de mettre en œuvre des interventions préventives à grande échelle, des réponses doivent être apportées quant aux interrogations suivantes :

1. Ces interventions améliorent-elles la santé ?

Oui, directement mais aussi indirectement sur d’autres aspects de notre santé. Les facteurs de risque modifiables retardant l’âge d’apparition de la maladie d’Alzheimer, préviennent aussi les maladies cardiovasculaires, le cancer, et le diabète. Ainsi, l’espérance de vie sans incapacité pourrait augmenter considérablement.

2. Cette approche réduit-elle les dépenses de santé ?

Plus on vieillit, plus la santé coûte cher. C’est évident pour les économistes. Mais clairement, cela ne prend pas en compte toutes les économies liées à la réduction des coûts sociaux et de soins, ni les bénéfices en terme de qualité de vie. Pour les économistes de la santé, la solution caricaturale serait que les individus meurent (vite) avant l’apparition des maladies… Face à une telle assertion la santé publique et les démographes opposent la théorie de la compression de la morbidité. Ce modèle, avancé à la fin du siècle dernier par le Pr James Fries à Stanford University School of Medicine, suggère que les progrès de la recherche et de la médecine permettront de bénéficier d’une qualité de vie sans incapacité jusqu’aux âges les plus avancés, tout en concentrant la survenue de l’ensemble de nos maladies dans les six derniers mois de notre existence. Cela est exactement ce que nous pouvons attendre de la prévention d’une maladie touchant nos fonctions cognitives et nos relations sociales. Donc, à cette question, on peut aussi répondre oui, surtout quand on sait, en tant que médecins, que tant de dépenses de santé engagées au quotidien par les patients et les aidants pourraient ainsi être évitées.

3. La prévention améliore-t-elle les inégalités de santé ?

C’est l’un des biais classiques de la prévention. Les bénéficiaires des campagnes de prévention sont très souvent ceux qui en ont le moins besoin. Ils sont très instruits et en savent déjà beaucoup sur les habitudes de vie à suivre. Ces personnes ont déjà modifié leur alimentation, pratiquent des activités physiques, ne fument pas et sont toujours soucieuses de tester les nouvelles méthodes de prévention publiées sur Internet ou dans leur magazine préféré. Ainsi, un ciblage spécifique devra être organisé en faveur des populations présentant un risque plus élevé qui tireraient davantage profit de ces mesures préventives. Pour atteindre un tel objectif, un plan de mise en œuvre de ciblage sera nécessaire.

4. S’agit-il d’un mécanisme rentable ?

Tant qu’un plan de mise en œuvre n’aura pas été construit, il sera difficile d’évaluer le rapport coût-efficacité de telles mesures. Cependant, en tenant compte du nombre de cas évités, on peut penser que la réduction des coûts à long terme sera proportionnellement réduite, et que la somme de 2 000 à 3 000 milliards d’euros attendus en 2050 sera considérablement diminuée.

5. Quand l’effet désiré apparaîtra-t-il ?

Cela a déjà été modélisé grâce par les épidémiologistes, dont Ron Brookmeyer en 1998. En supposant que le nombre d’habitants des États-Unis touchés par la maladie d’Alzheimer soit de 2,32 millions en 1997, une intervention retardant l’apparition de la maladie d’environ cinq ans réduirait la prévalence attendue de 1,15 million après 10 ans (2007) et de 4,04 millions après 50 ans (2047) au lieu des 13 millions attendus.

En conclusion, oui, nous devons investir nos espoirs et nos efforts pour prévenir la maladie d’Alzheimer. Cette prévention peut commencer quel que soit l’âge – le plus tôt étant le mieux – et doit être maintenue tout au long de la vie. Stimuler notre cerveau, le protéger des traumatismes et des toxines, lui offrir un corps et un métabolisme sains, et surtout entretenir notre réseau relationnel le plus longtemps possible tout en étant positif et optimiste nous aidera à augmenter notre capital-cerveau et à résister au déclin cognitif. Nous repousserons ainsi le plus tard possible les premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer pour vivre mieux, plus longtemps.

Source : World Dementia Coucil, 2021, Global dialogue on prevention: Reflections

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