Les maladies neurocognitives ne touchent pas seulement la mémoire. Elles transforment aussi notre façon de ressentir, d’exprimer et de comprendre les émotions. Ces changements émotionnels peuvent parfois surprendre les proches, créer des malentendus ou faire croire à de la froideur ou du désintérêt.
Pourtant, ces modifications ne sont pas un choix. Elles reflètent des changements dans le fonctionnement du cerveau. La recherche apporte aujourd’hui des éclairages précieux pour mieux les comprendre et mieux accompagner les personnes concernées.

/ Le cerveau reconnaît moins bien les émotions chez les autres
Dans la maladie d’Alzheimer, certaines capacités à reconnaître les expressions faciales, la tonalité de la voix ou les signaux sociaux peuvent être altérées[1]. Une personne peut par exemple avoir plus de difficultés à percevoir la tristesse ou la colère chez quelqu’un d’autre.
Ces difficultés ne signifient pas que la personne n’a plus d’empathie, mais que le “décodeur émotionnel” fonctionne moins bien. Cela peut expliquer des réactions inattendues ou un manque apparent de compréhension des situations sociales.
/ Des émotions “aplaties” ou moins visibles
L’un des symptômes les plus fréquents dans les maladies neurocognitives est l’apathie ; ce signe pouvant être associé ou non au déclin cognitif[2]. Contrairement à la dépression, l’apathie se caractérise par une baisse d’initiative, une réduction de l’élan, moins d’expressivité et parfois une moindre réactivité émotionnelle.
Cette modification ne traduit ni de l’indifférence ni une perte d’affection. Elle provient de réseaux cérébraux impliqués dans la motivation et l’engagement émotionnel.
Pour les proches, comprendre cette nuance est essentiel : la personne ressent encore, mais l’expression ou la mise en action est plus difficile.
/ Des émotions préservées… et même parfois amplifiées
Toutes les émotions ne sont pas touchées de la même manière. Certaines études montrent que dans la maladie d’Alzheimer, l’empathie émotionnelle (la capacité à ressentir avec l’autre) peut rester relativement intacte, voire parfois s’intensifier, même lorsque la reconnaissance des signaux sociaux est altérée[3].
La musique, les liens affectifs, les rituels familiaux ou les interactions chaleureuses peuvent continuer à provoquer des réactions profondes et très authentiques.
/ Chaque maladie neurocognitive a son “profil émotionnel”
Alzheimer, dégénérescence frontotemporale ou démence vasculaire ne touchent pas les mêmes régions du cerveau, et donc pas les mêmes aspects des émotions.
Une étude récente montre par exemple que les personnes vivant avec une dégénérescence frontotemporale peuvent avoir davantage de difficultés à comprendre les émotions sociales complexes, alors que dans Alzheimer, ces capacités évoluent différemment[4].
Comprendre ces distinctions permet d’adapter la communication, les attentes et l’accompagnement.
/ Ce qu’il faut retenir
Les émotions restent présentes, mais elles s’expriment autrement.
Les maladies neurocognitives peuvent :
- perturber la reconnaissance des émotions chez les autres,
- réduire l’initiative et l’expression émotionnelle,
- modifier la façon dont la personne réagit aux situations sociales,
tout en laissant intactes certaines capacités d’empathie ou de résonance affective.
Les proches jouent un rôle précieux : douceur, patience, gestes familiers, musique, photos ou routines peuvent aider la personne à se reconnecter à ses émotions.
Derrière les difficultés, la sensibilité demeure souvent très vive.
Références :
[1] Chaudhary S et al., 2022. Emotion Processing Dysfunction in Alzheimer’s Disease.
[2] Mehak S F et al., 2023. Apathy in Alzheimer’s disease: a neurocircuitry based perspective.
[3] Pick E et al., 2019. Empathy in neurodegenerative diseases: a systematic review.
[4] Sola C et al., 2025. Understanding basic and social emotions in Alzheimer’s disease and frontotemporal dementia.

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