Raconter un souvenir n’est jamais anodin. En partageant un moment de vie, nous faisons bien plus que transmettre une histoire. Nous réactivons notre mémoire, nous organisons nos pensées, nous nourrissons notre identité et nous renforçons le lien avec les autres. La recherche montre aujourd’hui que cette pratique, simple et quotidienne, contribue réellement à préserver la mémoire et à entretenir ce qui nous relie à notre histoire personnelle.

/ Réactiver un souvenir pour le rendre plus solide
Lorsque nous évoquons un souvenir, le cerveau le remet brièvement en mouvement avant de le stabiliser à nouveau. Ce mécanisme de reconsolidation, bien décrit en neurosciences, permet de renforcer les circuits neuronaux qui le soutiennent[1]. Plus un souvenir est raconté, plus il devient clair et durable. À l’inverse, les souvenirs rarement sollicités s’estompent avec le temps. Le fait de raconter aide ainsi à entretenir ce qui compte.
/ Mettre des mots pour structurer sa mémoire
Raconter oblige à choisir les éléments importants, à organiser la chronologie et à exprimer les émotions vécues. Ce travail structure la mémoire épisodique (celle des événements qui ont marqué nos vies) et enrichit la mémoire sémantique (celle du sens que l’on donne à notre environnement)[2]. Les mots permettent de clarifier ce que nous avons traversé et donnent une cohérence à notre histoire. Ils jouent aussi un rôle essentiel pour préserver le sentiment d’identité, en particulier avec l’avancée en âge[3].
/ Le lien social, un puissant stimulant pour la mémoire
Partager un souvenir avec quelqu’un active des réseaux cérébraux liés à l’attention, aux émotions et au langage. Ces échanges renforcent la mémorisation et facilitent le rappel ultérieur[2]. Les souvenirs deviennent plus vifs lorsqu’ils sont racontés dans un contexte relationnel. Le lien humain agit comme un catalyseur : il donne du relief au souvenir et améliore sa stabilité dans le temps.
/ Une ressource précieuse face aux troubles de la mémoire
Dans les maladies neurocognitives, évoquer les souvenirs anciens peut renforcer l’ancrage personnel et apaiser l’anxiété. Les approches de « reminiscence », étudiées depuis plusieurs années, montrent que la narration soutient l’humeur, stimule le langage et préserve les liens affectifs[4]. Même lorsque les souvenirs récents deviennent difficiles d’accès, raconter ce dont on se souvient encore permet de maintenir une continuité personnelle et relationnelle.
/ Préserver sa mémoire en racontant son histoire
Raconter un souvenir, c’est donc entretenir sa mémoire au quotidien. C’est renforcer les circuits neuronaux qui la soutiennent, préserver son identité et nourrir les relations qui comptent. Un geste simple, accessible à tous, qui aide à garder vivants les repères essentiels de notre histoire.
Références :
[1] Dudai Y. (2012). The restless engram: Reconsolidation and the updating of stored memory. Nature Reviews Neuroscience.
[2] Addis D. R., Wong A. T., Schacter D. L. (2008). The role of elaboration in memory and imagination. Psychological Science.
[3] Prebble S. C., Addis D. R., Tippett L. J. (2013). Autobiographical memory and the sense of self. Psychological Bulletin.
[4] Woods B. et al. (2018). Reminiscence therapy for dementia. Cochrane Database of Systematic Reviews.


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