Oublier un nom, poser un objet au mauvais endroit ou prendre un peu plus de temps pour réfléchir arrive à tout le monde, et encore plus en avançant en âge. Ces changements peuvent faire partie du vieillissement cérébral normal. Mais d’autres signes doivent attirer l’attention, car ils peuvent refléter un trouble cognitif sous-jacent. Cet article propose des repères clairs et fondés pour distinguer les oublis bénins des signaux qui méritent une évaluation médicale approfondie.

/ Les oublis « normaux » du quotidien
Dès que l’on passe la quarantaine, il est courant de :
- mettre un peu plus de temps à retrouver un mot ou un nom ;
- avoir besoin d’un rappel pour un rendez-vous ;
- devoir s’y reprendre à plusieurs fois pour mémoriser une information nouvelle ;
- utiliser plus volontiers des listes, des notes ou un agenda pour s’organiser.
Ces manifestations restent bénignes tant qu’elles n’altèrent ni l’autonomie ni la capacité à gérer les activités quotidiennes.
/ Les signes qui doivent alerter
Certaines situations doivent vous inciter à consulter :
- des oublis plus fréquents qu’auparavant, notamment d’événements récents ;
- la difficulté à suivre une conversation, un film ou un trajet familier ;
- des erreurs inhabituelles dans les tâches quotidiennes (paiements, organisation, gestion d’un traitement) ;
- une perte de repères dans le temps ou dans l’espace ;
- des changements de personnalité, un retrait social ou une perte d’intérêt pour les activités habituelles.
Lorsque ces signes apparaissent, il est recommandé d’en parler à un professionnel de santé.
/ Le déclin cognitif léger: un stade intermédiaire à connaître
Entre les oublis liés à l’âge et la démence, il existe un stade intermédiaire bien défini : le déclin cognitif léger, ou Mild Cognitive Impairment (MCI) [1].
On parle de MCI/DCL lorsqu’il existe :
- un trouble objectivé de la mémoire ou d’une autre fonction cognitive ;
- une autonomie préservée dans les activités essentielles du quotidien ;
- une plainte cognitive rapportée par la personne ou par ses proches.
Le MCI/DCL n’est pas une démence, mais il nécessite une surveillance : il expose à un risque plus élevé d’évolution, tout en restant parfois stable pendant plusieurs années. Cette condition touche environ 23% des individus dans les populations âgées [2]. Certaines causes réversibles peuvent également mimer un MCI (déficit en vitamine B12, hypothyroïdie, troubles du sommeil, médicaments). D’où l’importance d’un diagnostic précis.
/ Pourquoi une consultation précoce est importante
- Le MCI augmente le risque d’évolution vers une démence, notamment la maladie d’Alzheimer.
- Plusieurs causes de troubles cognitifs sont réversibles.
- Une prise en charge précoce permet d’agir sur les facteurs de risque modifiables (hypertension, diabète, cholestérol…).
- Une hygiène de vie favorable à la santé cérébrale peut ralentir la vitesse d’apparition des symptomes. [3]
/ Comment se déroule l’évaluation ?
Le médecin spécialiste réalise généralement :
- un entretien détaillé sur les symptômes, leur évolution et les antécédents, avec si possible l’avis d’un proche ;
- un examen clinique et neurologique ;
- des tests cognitifs standardisés (MoCA, MMSE) afin de situer les performances par rapport à l’âge et au niveau d’éducation ;
- un bilan sanguin (vitamine B12, fonction thyroïdienne, glycémie…) ;
- selon le contexte, une IRM cérébrale ou un examen plus spécifique pour éliminer d’autres causes et repérer d’éventuelles anomalies précoces.
/ Comment agir en attendant la consultation ?
Certaines mesures peuvent être mises en place immédiatement :
- revoir la liste des médicaments avec le médecin, certains pouvant altérer la mémoire ;
- maintenir une activité physique régulière ;
- adopter une alimentation équilibrée (de type méditerranéenne) ;
- préserver une vie sociale active ;
- stimuler les capacités cognitives (lecture, jeux, apprentissages) ;
- veiller à une bonne qualité de sommeil.
Ces actions ne remplacent pas un diagnostic mais contribuent à entretenir la santé du cerveau.
/ Ce qu’il faut retenir
Tous les oublis ne sont pas inquiétants. Ce qui doit alerter, c’est l’apparition de difficultés nouvelles, plus fréquentes, qui perturbent les activités quotidiennes ou qui sont repérées par l’entourage. Consulter tôt permet d’identifier d’éventuelles causes réversibles, de mieux comprendre la situation et, si nécessaire, de mettre en place un suivi et une aide adaptés.
La mémoire évolue tout au long de la vie : elle peut se fragiliser, mais elle peut aussi être accompagnée.
Références :
[1] S. Anand & C. Schoo. Mild Cognitive Impairment. StatPearls (2024). NCBI Bookshelf.
[2] N. Salari et al. Prévalence du déclin cognitif léger dans la population gériatrique. BMC Geriatrics.
[3] Jia J. et al. Association between healthy lifestyle and memory decline in older adults: 10 year, population based, prospective cohort study. BMJ (2023).

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