Mise sur le marché américain du Lecanemab, quel avenir ?

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Le 6 janvier dernier, après l’Aducanumab (Aduhelm, laboratoire Biogen), l’agence américaine du médicament, la Food and Drug Administration (FDA), dans le cadre d’une procédure accélérée, a autorisé la mise sur le marché américain d’un second traitement des cas débutants de maladie d’Alzheimer, le lecanemab (Leqembi, Laboratoires Eisai et Biogen). Eléments de réflexion.

Crédit Photo : C. Sandu sur Unsplash

/ Comment agit le Lecanemab ?

Le lecanemab (nom de code BAN2401) est une nouvelle biothérapie, à base d’anticorps humanisés dont l’objectif est d’éliminer les protofibrilles de peptide amyloïde, une substance qui se dépose sous forme de plaques amyloïdes dans le cerveau des patients atteints de maladie d’Alzheimer. Ces plaques amyloïdes sont l’un des deux mécanismes, avec l’accumulation de protéines Tau dans les neurones, qui seraient à l’origine de la pathologie. L’objectif de ce traitement est donc de ralentir le processus d’évolution de la maladie d’Alzheimer, mais pas de guérir les patients.

/ Quels patients peuvent bénéficier de ce nouveau traitement ?

Dans la mesure où ce traitement a pour objectif de ralentir la progression de la maladie, ses bénéfices se feront d’autant mieux ressentir que son administration sera la plus précoce possible au cours de la maladie. En effet, ce médicament devrait pouvoir permettre de ralentir la progression des symptômes qui conduisent à la dépendance. Aussi, les malades déjà lourdement dépendants ne pourront-ils pas en bénéficier. Les indications de prescription sont celles qui ont été retenues dans l’essai clinique Clarity AD : des patients avec une altération légère des fonctions cognitives ou à un stade précoce de la maladie. De plus, ces patients devront présenter une charge amyloïde mesurée au préalable par tomodensitométrie par émission de positon (TEP) ou par ponction lombaire.

/ Quel est l’effet principal de ce médicament ?

Ce médicament a un effet biologique majeur qui tend à réduire significativement la charge amyloïde des patients traités, démontrant que la biothérapie remplit bien son objectif. Sur le plan clinique, le critère de jugement d’efficacité a été mesuré au bout de 18 mois avec une échelle clinique, la CDR-SB (Clinical Dementia Rating-Sum of Boxes) fournissant un score de 0 à 18 (plus le score est élevé plus la maladie est sévère). Il est obtenu en interrogeant les patients et leurs aidants sur leurs capacités cognitives et fonctionnelles. Au début de l’étude, le score moyen des patients était de 3,2. Après 18 mois, les patients sous placebo avaient augmenté leur score de 1,66 alors que les patients sous Lecanemab ne l’avaient augmenté que de 1,21, soit une différence de 0,45 point. Cela représente, donc une baisse relative de 27% en faveur du traitement, traduisant un ralentissement de la progression des déficits.

Si l’on estime qu’à partir de la pose du diagnostic d’atteinte légère des fonctions cognitives, les patients ont en moyenne une durée de 6 ans de vie en autonomie, le médicament pourrait prolonger cette durée de 19 mois. Attention, le recul sur le traitement n’étant que de 18 mois, nous n’avons pas une durée d’observation suffisante pour connaitre concrètement son impact à 6 ans.

/ Quels sont ses effets indésirables ?

Les principaux effets indésirables identifiés sont l’apparition dans le cerveau de saignements et d’œdèmes chez respectivement 17% et 13% des patients. Au total 7% des patients ont dû arrêter le traitement en raison d’effets indésirables. Par ailleurs, les analyses en sous-groupes ont montré que  les sujets porteurs de deux allèles 4 du gène de l’Apolipoprotéine E, dont la fréquence est élevée en cas de maladie d’Alzheimer, ont un risque d’hémorragie de 39% et un bénéfice du traitement plus réduit.

Ces effets indésirables nécessiteront donc une surveillance particulière chez les patients traités, notamment par la réalisation d’imageries cérébrales IRM fréquentes, probablement mensuelles.

/ Quelles seront les conditions de mise à disposition du Lecanemab aux Etats-Unis?

Les indications seront ciblées vers les patients présentant une maladie d’Alzheimer à un stade très précoce et porteur d’une charge amyloïde mesurée avant la mise en œuvre du traitement par TEP amyloïde ou par ponction lombaire. Le traitement sera administré sous forme injectable, en milieu spécialisé, à raison d’une perfusion tous les 15 jours. Des IRM devront être réalisées régulièrement afin de détecter des effets indésirables (saignements et œdèmes). La prise de traitements anticoagulants sera une contre-indication. Enfin, le prix de vente annuel du médicament pour un patient de corpulence moyenne devrait être de l’ordre de 26 000 USD.

Les laboratoires Eisai et Biogen ont déposé un dossier de demande d’autorisation sur le marché auprès de l’agence européenne du médicament, l’European Medicines Agency (EMA), le calendrier d’examen n’étant pas encore connu. Enfin pour les patients français, si l’EMA donne un avis positif, il faudra que le lecanemab soit ensuite examiné et approuvé par l’agence française du médicament, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Le lecanemab est le second médicament mis sur le marché aux Etats-Unis. Après plus de 20 ans d’échecs thérapeutiques, ces annonces montrent que la recherche sur les traitements de la maladie d’Alzheimer progresse significativement. Ces résultats sont porteurs d’espoir pour les patients, les familles et les médecins du monde entier. C’est une première étape. Prolonger l’autonomie des patients à un stade précoce de 19 mois au-delà de 6 ans est un bénéfice non négligeable pour une maladie dont l’évolution est à ce jour malheureusement inéluctable. Néanmoins, ce bénéfice potentiel à long terme doit être confirmé et mis en balance avec ses conditions de mise en œuvre (effets indésirables nombreux, conditions de surveillance lourdes et prix de vente élevé).

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