Minute Cerveau & Recherche – Episode 19

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Cette semaine, cinq études internationales approfondissent notre compréhension d’Alzheimer : l’influence du système immunitaire, la valeur des biomarqueurs sanguins, et de nouvelles méthodes pour anticiper ou suivre l’évolution de la maladie. Ces travaux, complémentaires les uns des autres, montrent à quel point la recherche progresse rapidement, du diagnostic précoce à la prévention, en passant par la compréhension fine des mécanismes biologiques.

/ Les actualités de la semaine du 24 au 30 novembre 2025

La maladie d’Alzheimer est une pathologie évolutive caractérisée par la présence de lésions cérébrales issues de l’accumulation des protéines amyloïde et Tau. Toutefois, il existe des cas où les patients maintiennent leurs capacités cognitives dans le temps malgré ces lésions. Comment peut-on expliquer cette résilience à la maladie d’Alzheimer ? C’est la question que se sont posés des chercheurs américains.

Pour y répondre, ils ont en particulier analysé le rôle des monocytes, nos cellules du système immunitaire circulantes dans le sang et capables de pénétrer dans le cerveau pour répondre à la prolifération de microbes pathogènes.

Grâce aux données de 432 individus et à la combinaison de données génétiques et d’expression des gènes sur l’ensemble du génome (TWAS), les équipes ont étudié les monocytes soumis à différents états d’activation immunitaire, et les ont comparées selon 3 types de résilience à Alzheimer : la résilience cognitive, la résilience globale à la maladie et celle présente dans la population Amish. Les travaux démontrent l’existence de 92 gènes associés au phénomène de résilience à Alzheimer et notamment de nouvelles associations avec entre autres les gènes SURF1, ACKR3, LILRA5, FBXO2. Par ailleurs, la régulation de ces gènes est spécifique aux monocytes, et non à d’autres cellules immunitaires ou cérébrales.

Cette découverte pourrait ainsi permettre de constituer de nouvelles cibles thérapeutiques, en particulier dans le domaine des immunothérapies et de la médecine de précision.

La maladie d’Alzheimer touche de très nombreuses populations à travers le monde. Mais, existe-t-il des différences entre les individus selon leur sexe, leur ethnie, leur environnement ? Une grande majorité des recherches se basent sur les données de cohortes issues de pays occidentaux ; quant est-il des pays d’Afrique ? Une étude récente a été réalisée pour combler le manque d’informations, notamment sur les biomarqueurs sanguins de la maladie d’Alzheimer en Afrique subsaharienne par rapport aux pays occidentaux. Les équipes de chercheurs ont constitué une nouvelle cohorte de 300 personnes âgées au Nigéria (nommée ADIBIO-N) et ont analysé les capacités cognitives (exemples : mémoire, langage), ainsi que plusieurs biomarqueurs sanguins de la maladie d’Alzheimer (exemples : amyloïde, Tau, GFAP pour l’inflammation et Nfl comme indicateur de dommages neuronaux).

Les résultats des travaux indiquent que ces biomarqueurs sont associés au niveau global de cognition. Par exemple, plus le niveau de GFAP est élevé, plus les performances dans les tests de mémoire et de langage sont faibles.  Aussi, plus le niveau de NfL est élevé, plus les capacités visuospatiales diminuent.

Dans cette population africaine, GFAP et NfL sont les biomarqueurs les plus corrélés aux performances cognitives. Contrairement aux études réalisées dans des cohortes occidentales, les protéines amyloïde et Tau ne sont pas associés à la cognition, montrant des différences régionales ou biologiques dans le développement de la maladie d’Alzheimer.

Les biomarqueurs sanguins représentent une avancée majeure dans le diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer. Leurs capacités prédictives en font des outils de plus en plus fiables au service des malades. Une question se pose malgré tout : comment évoluent les biomarqueurs aux cours des différentes étapes du déclin cognitif dans la population générale ?

Dans cette étude suédoise, les chercheurs ont suivi 2 148 personnes sans maladies neurocognitives pendant 16 ans. Pour répondre à la question posée, ils ont examiné si les niveaux initiaux des biomarqueurs du sang pouvaient prédire l’évolution entre trois états : 1) cognition normale, 2) trouble cognitif léger, et 3) démence. Les résultats sont très prometteurs puisqu’ils ont identifié que :

  • Un faible ratio amyloïde Aβ42/40 et des niveaux élevés de Tau, NfL (marqueur de dommages neuronaux) et GFAP (marqueurs de neuro-inflammation) sont associés à une progression plus rapide du trouble cognitif léger vers la démence.
  • Des niveaux élevés de NfL et GFAP diminuent les chances qu’une personne atteinte de trouble cognitif léger retrouve un fonctionnement cognitif normal.
  • Aucun biomarqueur ne prédit le passage de la cognition normale vers le trouble cognitif léger.

Les biomarqueurs sanguins peuvent donc aider à identifier les personnes atteintes de trouble cognitif léger qui risquent le plus de progresser vers la démence.

Lors du vieillissement pathologique, le cerveau subit des changements majeurs d’origine métabolique (liés en partie à la régulation du glucose) et vasculaire ; cela avant même l’accumulation anormale du peptide bêta-amyloïde. Ces changements précèdent donc l’apparition des premiers signes typiques de la maladie d’Alzheimer.

En analysant les données de neuroimagerie de 403 patients dans 59 régions cérébrales, les chercheurs ont observé que la progression des déficits se faisaient différemment en fonction des zones cérébrales concernées. Toutefois, il existe systématiquement des altérations précoces de la perfusion sanguine et du métabolisme du glucose (capacité du cerveau à gérer l’énergie) dans des régions cérébrales spécifiques, notamment celles liées à la mémoire, à la cognition et aux fonctions motrices. Ces altérations étaient cohérentes avec les signatures génétiques et les évaluations cognitives des patients.

En complément, les travaux indiquent que les changements d’origine vasculaire du cerveau peuvent varier selon le sexe des individus et le stade de développement de la maladie d’Alzheimer, ce qui pourrait en faire un biomarqueur sensible pour un diagnostic précoce et pour améliorer le suivi et le traitement des patients.

Comme indiqué dans les épisodes précédents, les astrocytes, ces cellules gliales de notre système immunitaire, jouent un rôle clé dans la neuro-inflammation. Leur dysfonctionnement en condition pathologique en font des acteurs majeurs du développement de la maladie d’Alzheimer. Une étude récente menée au Texas a mise en évidence le rôle de Sox9, une protéine capable de réguler l’expression des gènes, notamment associée au bon fonctionnement des astrocytes.

En effet, dans un modèle expérimental de maladie d’Alzheimer, la présence accrue de Sox9 permet l’élimination des plaques amyloïdes et la préservation des capacités cognitives, comme la mémoire. Mais, par quel mécanisme ce phénomène se produit-il ? Les chercheurs ont démontré que Sox9 était capable de booster l’activité de nettoyage des astrocytes en activant MEGF10, un récepteur fortement impliqué dans ce processus.

Grâce à la découverte de cette voie d’élimination efficace des plaques amyloïdes par les astrocytes, les chercheurs espèrent ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques contre la maladie d’Alzheimer.

/ Ce qu’il faut retenir cette semaine

1️⃣ Monocytes : certains profils immunitaires influenceraient le risque et la résilience.
2️⃣ Biomarqueurs Nigeria : nouvelles valeurs de référence pour fiabiliser les tests sanguins.
3️⃣ Biomarqueurs & progression : quand les biomarqueurs Alzheimer anticipent l’évolution cognitive.
4️⃣ Imagerie précoce : métabolisme et perfusion révèlent des signaux pathologiques très précoces.
5️⃣ Activation des astrocytes : élimination des plaques et préservation de la mémoire

/ Rendez-vous dimanche prochain !

Chaque étude apporte un éclairage différent mais toutes convergent vers un même constat : comprendre Alzheimer, c’est tenir compte à la fois de l’immunité, des biomarqueurs, et de l’évolution silencieuse du cerveau bien avant les premiers symptômes.
La recherche avance sur tous ces fronts, ouvrant la voie à des diagnostics plus précoces, à des outils plus accessibles et à des stratégies de prévention plus efficaces.

👉 Rendez-vous dimanche prochain pour un nouvel épisode de la Minute Cerveau & Recherche !


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