Leqembi® (Lecanemab) : la Haute Autorité de Santé rejette la demande d’accès précoce

Publié le - Modifié le

La (HAS) a rendu publique, le 4 septembre 2025, sa décision concernant le Leqembi® (lecanemab), un traitement anti-amyloïde développé pour ralentir l’évolution de la maladie d’Alzheimer à un stade précoce. Alors que ce médicament est déjà autorisé aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Japon, la HAS a estimé que les données disponibles ne permettent pas, pour l’instant, d’approuver un accès précoce à ce traitement en France.

/ Qu’est-ce que l’accès précoce ?

Selon l’HAS, l’accès précoce à un médicament « est un dispositif qui permet à des patients en impasse thérapeutique de bénéficier, à titre exceptionnel et temporaire, de certains médicaments non autorisés dans une indication thérapeutique précise. »

/ Qu’est-ce que le Leqembi® ?

Le Leqembi® est un anticorps monoclonal anti-amyloïde mis au point par les laboratoires Eisai et Biogen. Son mécanisme d’action vise à cibler et réduire les dépôts de protéines amyloïdes dans le cerveau, une des deux caractéristiques anatomopathologiques majeures observées dans le cerveau des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. L’objectif affiché est de ralentir la progression de la maladie chez les patients à un stade très précoce, avant l’installation de symptômes sévères.

Aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) a accordé une autorisation de mise sur le marché en 2023. Le Japon a suivi en 2024 ainsi que le Royaume-Uni, ce dernier n’ayant néanmoins pas autorisé le remboursement. Ces décisions ont suscité beaucoup d’attentes, mais aussi des débats, autour de l’efficacité et de la tolérance du traitement.

/ La décision de la HAS

Après analyse des données cliniques disponibles, la Commision de la Transparence de la HAS a refusé l’inscription du Leqembi® sur la liste des médicaments en accès précoce. Les arguments avancés sont les suivants :

  • Sur le bénéfice clinique
    • « La mise en œuvre du traitement peut être différée compte tenu d’une quantité d’efficacité modeste considérée comme non cliniquement pertinente pour la maladie associée à un profil de tolérance préoccupant. »
    • « L’efficacité du LEQEMBI (lécanémab) a été démontrée versus placebo […] avec une quantité d’effet modeste considérée comme non cliniquement pertinente. »
  • Sur les effets indésirables
    • « Enfin, le LEQEMBI (lécanémab) a un profil de tolérance préoccupant (ARIA-E de type œdème cérébral vasogénique, ARIA-H de type microhémorragie cérébrale et sidérose superficielle, hémorragie intracérébrale > 1 cm de diamètre) imposant des mesures de précautions strictes conduisant à une modification radicale du parcours de soins et de l’organisation des soins, avec une mise en œuvre fortement contraignante et dont la faisabilité est problématique dans l’organisation sanitaire actuelle. »
  • Sur le suivi:
    • « (…) la réalisation fréquente d’IRM prévue dans le plan de gestion de risques (PGR) pour la gestion des ARIA. »
    • « (…) la faisabilité est problématique dans l’organisation sanitaire actuelle (qu’il s’agisse de la réalisation de l’enquête génétique et génotypage, avec ses corollaires éthiques pour les malades et leurs ascendants, ou de la réalisation fréquente d’IRM…). »
  • Sur la qualité de vie et l’autonomie :
    • « La qualité de vie n’a par ailleurs pas été évaluée de façon robuste (analyses exploratoires). Son plan de développement n’est pas adapté dans la mesure où les données d’efficacité sont issues d’une seule étude de phase III avec des résultats non cliniquement pertinents. »

En résumé, la HAS considère que, malgré une avancée scientifique certaine, le rapport bénéfice/risque actuel ne justifie pas un accès précoce en France.

Source : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2025-09/dc2025.0204_refus_aap_leqembi_ap460_cd04092025_vd.pdf

/ Quels enjeux pour les patients et la recherche en France ?

Cette décision ne remet pas en cause les progrès de la recherche internationale, mais elle souligne la prudence nécessaire avant une large diffusion de traitements.
En France, plusieurs enjeux sont à prendre en compte :

  • L’accès équitable aux soins : un remboursement impliquerait un investissement considérable pour la collectivité.
  • L’organisation du suivi médical : le traitement nécessiterait des IRM fréquentes et une prise en charge hospitalière spécialisée, difficile à généraliser sur tout le territoire.
  • La poursuite des essais cliniques : il est indispensable de renforcer les données disponibles, notamment sur la qualité de vie, l’autonomie et les effets à long terme.

En parallèle, la recherche continue sur d’autres pistes thérapeutiques : les protéines tau, l’inflammation cérébrale, les approches métaboliques ou encore les stratégies de prévention.

/ Et pour les patients, qu’est-ce que cela signifie ?

L’annonce de nouveaux traitements comme le Leqembi® a suscité beaucoup d’espoir, en particulier chez les personnes concernées par la maladie d’Alzheimer et leurs familles. Le refus de la HAS peut être perçu comme une vraie déception. Néanmoins, ce rejet de l’accès précoce ne préjuge pas de la décision finale de la HAS dans la procédure de demande d’approbation classique qui devrait prendre encore plusieurs mois.

Il est essentiel de rappeler que cette décision ne signifie pas que la recherche est un échec. Au contraire, elle marque une étape importante : le Leqembi® a ouvert une nouvelle voie thérapeutique, celle des anticorps monoclonaux anti-amyloïdes. Les patients ne sont donc pas oubliés : les recherches continuent, sur d’autres cibles (tau, inflammation, prévention…) et de nombreux essais cliniques sont en cours. Chaque progrès contribue à mieux comprendre la maladie et à préparer des traitements plus efficaces et mieux tolérés à l’avenir.

Dans ce contexte, la Fondation Alzheimer* poursuit ses engagements :

  • Financer la recherche française sur les maladies neurocognitives dont la maladie d’Alzheimer,
  • Soutenir l’émergence de nouvelles stratégies thérapeutiques médicamenteuses et non-médicamenteuses,
  • Informer et sensibiliser le public de manière transparente et indépendante.

En conclusion, la décision de la HAS souligne la prudence nécessaire avant toute diffusion large d’un traitement. Le Leqembi® marque une étape scientifique majeure, mais son usage en France devra encore attendre.

Sources : https://www.has-sante.fr/jcms/p_3644198/fr/leqembi-lecanemab

* La Fondation Alzheimer tient à rappeler qu’elle n’a aucun lien d’intérêt avec les laboratoires pharmaceutiques impliqués dans le développement du Leqembi®.

Télécharger
Partager sur :

/ Vous aimerez aussi

Newsletter

Je souhaite recevoir toutes les dernières actualités