Pour ce 21ème épisode de la Minute Cerveau et Recherche, nous vous présentons trois avancées récentes qui apportent de nouvelles connaissances sur la maladie d’Alzheimer et les maladies neurocognitives en général. Elles concernent la production des protéines essentielles au fonctionnement des neurones, les progrès des biomarqueurs sanguins qui pourraient permettre d’anticiper la survenue des maladies neurocognitives, ainsi que les facteurs qui expliquent pourquoi certaines personnes restent préservées malgré des lésions cérébrales importantes. Ces résultats montrent que la recherche continue d’avancer rapidement et qu’elle révèle des mécanismes de plus en plus précis sur le vieillissement du cerveau.
/ Les actualités de la semaine du 8 au 14 décembre 2025
1. Relancer la production des protéines pour protéger durablement la mémoire
Dans la maladie d’Alzheimer, les neurones ne dégénèrent pas seulement à cause des dépôts anormaux des protéines amyloïdes et Tau. Ils perdent aussi la capacité de produire correctement les protéines clés dont ils ont besoin pour communiquer entre eux et pour engager les processus de mémorisation. Ce déficit dans la synthèse des protéines représente un problème majeur car un neurone qui ne produit plus les bonnes protéines devient fragile et moins efficace dans la transmission du signal nerveux et donc dans le stockage des souvenirs.
Dans cette étude internationale réalisée chez la souris modèle de la maladie d’Alzheimer, les chercheurs ont réduit expérimentalement l’action de deux régulateurs qui agissent comme des freins sur la fabrication des protéines, nommées FMRP et 4E BP2. Lorsque ces régulateurs sont moins actifs, les neurones retrouvent la capacité à produire les protéines essentielles pour les neurones. Dans ce cas, les souris conservent alors une bonne capacité de mémorisation. Ce résultat est observé aussi bien dans des modèles de souris jeunes que des souris plus âgées, ce qui renforce la fiabilité de l’observation.
Cette nouvelle approche suggère qu’il est important de ne pas uniquement chercher à éliminer les dépôts amyloïdes et Tau dans le cerveau mais qu’il faut aussi renforcer ce que la production des protéines utiles au bon fonctionnement des neurones. Restaurer leur capacité de production des protéines pourrait donc devenir une voie complémentaire pour protéger la mémoire et ralentir l’apparition de la maladie d’Alzheimer.
2. Des biomarqueurs dans le sang pour anticiper plus précisément le risque de maladies neurocognitives
Encore aujourd’hui, il est très difficile pour les médecins d’identifier à l’avance quelles personnes âgées vont réellement développer une maladie neurocognitive. Beaucoup d’entre elles se plaignent d’une moins bonne mémoire mais seules certaines personnes évolueront vers une maladie neurocognitive comme la maladie d’Alzheimer. Pour améliorer cette prédiction, c’est-à-dire connaitre le risque de sa survenue, les chercheurs s’intéressent désormais à des molécules présentes dans le sang circulant et qui reflètent ce qui se passe dans le cerveau.
Dans cette étude récente, les scientifiques européens ont suivi plus de 500 personnes issues d’une cohorte hollandaise qui avaient pour moitié soit une plainte de mémoire soit des troubles cognitifs légers. Ils ont mesuré le niveau plasmatique (dans le sang) de plusieurs protéines liées aux mécanismes d’Alzheimer, par exemple des formes anormalement modifiées de la protéine tau, le ratio des formes amyloïdes Aβ42 sur Aβ40 (qui reflète la présence d’amyloïdes toxiques), ou encore des protéines produites lorsque les cellules nerveuses sont en souffrance. En combinant ces informations avec l’âge, le sexe et des tests de mémoire, ils ont créé un modèle mathématique capable d’estimer la probabilité qu’une personne évolue vers une maladie neurocognitive dans l’année ou dans les trois ou cinq années suivantes. Les protéines Tau et GFAP (marqueur de la neuroinflammation) se révèlent particulièrement utiles car elles améliorent fortement la capacité de prédiction.
Cette découverte suggère qu’un jour un simple prélèvement sanguin pourrait aider à repérer précocement les personnes seraient susceptibles de développer une maladie neurocognitive, permettant ainsi une prise en charge adaptée et avant même l’apparition des premiers signes.
3. Ce qui protège ou fragilise le cerveau face à la maladie d’Alzheimer
Une étude s’est intéressée à des personnes âgées présentant, à l’autopsie, les lésions typiques de la maladie d’Alzheimer, principalement les dépôts de protéines amyloïdes et Tau. Pourtant, malgré des atteintes cérébrales similaires, ces personnes n’avaient pas toutes connu le même parcours cognitif au fil du temps : certaines avaient décliné très vite, d’autres lentement, et un petit groupe avait conservé leurs capacités presque jusqu’à la fin de leur vie. Les chercheurs ont donc voulu comprendre ce qui distingue ces trajectoires très différentes.
Ils ont classé les participants en trois groupes selon la vitesse du déclin cognitif. Le groupe au déclin rapide rassemblait davantage de personnes porteuses du gène APOE ε4, un facteur de risque bien connu. Ces individus présentaient aussi des lésions cérébrales plus avancées, dont un stade plus sévère d’enchevêtrements Tau et de dépôts amyloïdes. Ils montraient également davantage d’atteintes de la substance blanche, souvent liées à des problèmes vasculaires. Enfin, ils étaient plus nombreux à avoir une hyperlipidémie non traitée.
À l’inverse, les personnes dites “résilientes”, dont le déclin était minime malgré la présence de lésions d’Alzheimer, se distinguaient par l’absence plus fréquente de l’allèle APOE ε4 et par une charge neuropathologique légèrement moins sévère. Elles avaient aussi moins d’antécédents de psychose non traitée.
Ces résultats démontrent que la maladie d’Alzheimer, même lorsqu’elle est confirmée au niveau biologique, n’entraîne pas automatiquement un déclin rapide. La génétique, la sévérité des lésions, la santé vasculaire et la prise en charge de certaines comorbidités influencent fortement l’évolution cognitive. Cela renforce l’idée que la trajectoire vers la maladie est modulée par de nombreux facteurs, et que certaines personnes disposent d’une véritable “résilience cognitive”.
/ Ce qu’il faut retenir cette semaine
1️⃣ Les neurones peuvent préserver une capacité de mémorisation si l’on soutient la production des protéines essentielles à leur fonctionnement. Restaurer cette production pourrait devenir une nouvelle piste pour protéger la mémoire dans la maladie d’Alzheimer.
2️⃣ Certains biomarqueurs présents dans le sang, comme les formes anormales de la protéine Tau ou le marqueur GFAP, permettent d’estimer avec plus de précision le risque d’évoluer vers une maladie neurocognitive dans les années qui suivent.
3️⃣ Des personnes présentant des lésions typiques d’Alzheimer peuvent rester longtemps préservées sur le plan cognitif. Leur trajectoire dépend notamment de facteurs génétiques, vasculaires et médicaux qui modulent la vitesse du déclin.
/ Rendez-vous dimanche prochain !
Ces trois études montrent combien la recherche progresse dans la compréhension des mécanismes qui rendent le cerveau plus vulnérable ou au contraire plus résistant au cours du vieillissement. Elles rappellent aussi que chaque nouvelle découverte contribue à ouvrir des pistes pour mieux prévenir la maladie et ralentir son évolution.
👉 Rendez-vous dimanche prochain pour un nouvel épisode de la Minute Cerveau & Recherche !

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