Vieillir n’est pas toujours synonyme de déclin. Certaines personnes conservent une mémoire vive, une curiosité intacte et une énergie étonnante jusqu’à 90 ans et parfois bien au-delà. Ce phénomène intrigue la recherche depuis plusieurs années. Comment explique-t-on cette capacité à rester cognitivement performant malgré l’âge. Est-ce une question de génétique, de chance ou de mode de vie ? Les études montrent que plusieurs facteurs se complètent et construisent, au fil du temps, une véritable résistance du cerveau au vieillissement.
/ La réserve cognitive, un pilier essentiel
La notion de « réserve cognitive » est au cœur de la compréhension du vieillissement réussi. Elle désigne la capacité du cerveau à s’adapter, à compenser et à trouver d’autres stratégies lorsque certains circuits deviennent moins efficaces.
Cette réserve n’apparaît pas du jour au lendemain. Elle se construit tout au long de la vie grâce aux activités qui stimulent le cerveau, qu’elles soient intellectuelles, culturelles, sociales ou même ludiques. Lire, apprendre, découvrir, discuter, voyager, s’ouvrir aux autres, autant de facteurs qui renforcent la flexibilité des réseaux neuronaux.
C’est aussi ce que rappelle le professeur Philippe Amouyel dans son livre « Le guide anti Alzheimer : les secrets d’un cerveau en pleine forme », où il insiste sur l’importance d’entretenir son cerveau au quotidien pour mieux vieillir. Cette idée rejoint les travaux de Stern, qui a largement théorisé le rôle de la réserve cognitive[1].
/ Un mode de vie actif, l’un des meilleurs alliés du cerveau
Les personnes qui vieillissent bien ont souvent un point commun : elles restent actives, physiquement, socialement et émotionnellement. Les études montrent que certaines habitudes contribuent fortement à préserver les capacités cognitives, comme :
- marcher régulièrement[2]
- avoir une alimentation équilibrée[3]
- maintenir un bon sommeil[4]
- cultiver des liens sociaux[5]
- continuer à apprendre[1]
Ces comportements soutiennent la plasticité cérébrale, améliorent la circulation sanguine du cerveau et limitent l’inflammation, trois éléments clés pour préserver la mémoire.
/ Les super seniors, un modèle inspirant
Certains chercheurs parlent de SuperAgers pour désigner des personnes de plus de quatre-vingt ans dont les performances de mémoire ressemblent à celles de personnes bien plus jeunes. Ce profil a été mis en évidence par l’équipe d’Emily Rogalski en 2013[6], qui a montré que leur mémoire épisodique pouvait être comparable à celle de personnes de cinquante à soixante ans. Des travaux complémentaires publiés en 2015 ont confirmé que leur cerveau présentait une atrophie plus lente que la moyenne, notamment dans les zones impliquées dans la mémoire et l’attention[7].
/ Le rôle de l’état d’esprit
Bien vieillir est aussi une affaire d’attitude. Les personnes âgées qui conservent une bonne santé cognitive partagent souvent des traits communs : une manière positive de traverser les épreuves, une tendance à chercher ce qui relie plutôt que ce qui oppose, et une envie de s’intéresser au monde. Optimisme, curiosité, gestion du stress et sentiment d’avoir un rôle à jouer dans la vie quotidienne sont autant de leviers qui influencent l’équilibre émotionnel et donc la santé cérébrale. [8] [9]
Un état d’esprit constructif ne protège pas de tout, mais il favorise des comportements bénéfiques, renforce le lien social et soutient la motivation à rester actif.
/ Mounette, un exemple vivant de longévité heureuse
Pour illustrer cette dynamique, la Fondation Alzheimer a suivi l’été passé la chercheuse Gaël Chételat et sa grand-mère Mounette, âgée de 99 ans, dans un documentaire consacré à la joie, au partage et à la longévité :
Mounette aime voyager, marcher, jouer, découvrir et rire. Elle s’intéresse à tout, entretient une vie sociale riche, partage de nombreux moments avec sa famille et participe à des activités variées. Sa curiosité, son enthousiasme et sa joie de vivre en font un exemple touchant de longévité active.
Elle se dit heureuse de vivre et même heureuse de vieillir. Elle voit le verre plein, transforme les difficultés en apprentissages et avance avec optimisme. Ses habitudes et son tempérament rejoignent ce que la recherche observe chez les personnes qui vieillissent bien.
Son histoire n’est pas une preuve scientifique, mais elle incarne l’idée qu’un vieillissement épanoui se cultive avec de l’envie, de l’ouverture et un véritable plaisir de vivre. Pour en savoir plus, venez découvrir le documentaire complet sur notre chaîne YouTube.
/ Ce qu’il faut retenir
Vieillir avec un cerveau en pleine forme n’est jamais le fruit du hasard. C’est le résultat d’une combinaison de facteurs qui se construisent au fil du temps. Une réserve cognitive nourrie par la curiosité, une activité physique régulière, une alimentation équilibrée, des liens sociaux riches, un sommeil de qualité, un état d’esprit positif[8] contribuent ensemble à préserver nos capacités.
La bonne nouvelle est que beaucoup de ces leviers sont entre nos mains. Ils ne demandent pas de tout changer du jour au lendemain, mais de commencer progressivement, à son rythme, avec ce qui nous ressemble.
Nous avons tous les clés pour bien vieillir. Il suffit parfois d’un premier pas pour les activer et permettre à notre cerveau de rester vif, curieux et alerte le plus longtemps possible.
Références :
[1] Stern Y. Cognitive reserve. Neuropsychologia, 2009.
[2] Erickson K. et al. Exercise training increases hippocampal volume. PNAS, 2011.
[3] Morris M. et al. MIND diet and cognitive decline. Alzheimer’s & Dementia, 2015.
[4] Scullin M. Sleep, cognition and normal aging. Sleep Medicine Clinics, 2017.
[5] Fratiglioni L. et al. Social network and dementia risk. Lancet Neurology, 2004.
[6] Rogalski E. et al. SuperAging and preserved cortical thickness. Journal of Neuroscience, 2013.
[7] Gefen T. et al. Morphometric characteristics of SuperAging brains. Journal of Neuroscience, 2015.
[8] Boyle P. A. et al. Purpose in life and cognitive decline. Archives of General Psychiatry, 2012.
[9] Sutin A. R. et al. Optimism and risk of cognitive impairment. Psychosomatic Medicine, 2013.

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