Cette semaine, trois nouvelles études mettent en lumière l’influence de nos modes de vie, de nos environnements sociaux et de nos comportements sur la santé de notre cerveau.
De la solitude amplifiée par la pandémie à la consommation chronique d’alcool, en passant par le bilan d’un an de traitement au lecanemab au Japon, les chercheurs poursuivent leur exploration des liens entre biologie, environnement et prévention.
Des découvertes qui rappellent combien la santé cérébrale repose sur un équilibre délicat entre progrès thérapeutiques et habitudes de vie.
/ Les actualités de l’épisode du 27 octobre au 2 novembre 2025
1. Pandémie, isolement, Alzheimer : ce que révèle l’imagerie cérébrale
Et si la solitude laissait une empreinte visible sur le cerveau ?
Une équipe de recherche internationale a analysé les données d’imagerie cérébrale de plus de 3 000 personnes âgées, collectées entre 2020 et 2022, pour explorer l’impact de la solitude et du fait de vivre seul sur le cerveau, en particulier chez les personnes présentant des signes précoces de la maladie d’Alzheimer.
Les chercheurs ont notamment observé la présence de dépôts de protéine tau, une des caractéristiques biologiques clés d’Alzheimer, chez certains participants. Ils ont ensuite étudié si ces dépôts étaient liés à des facteurs psychosociaux, comme la solitude déclarée ou la situation de vie (vivre seul ou non).
Résultat : Les personnes vivant seules ou souffrant de solitude ont montré des signes plus marqués d’atteintes cérébrales, en particulier une plus grande accumulation de tau dans certaines zones du cerveau liées à la mémoire. Ce lien restait significatif même après avoir tenu compte de l’âge, du niveau d’éducation, ou de l’état de santé général. Et surtout : ces effets étaient plus visibles chez les personnes qui présentaient déjà des signes de vulnérabilité cognitive.
Les auteurs soulignent que cette étude ne prouve pas que la solitude cause directement Alzheimer. Mais elle suggère que l’isolement social pourrait accélérer ou aggraver les mécanismes biologiques impliqués. En pleine pandémie de COVID-19, cette recherche prend une résonance particulière, rappelant combien l’environnement social compte pour un vieillissement cérébral réussi.
👉 Une preuve de plus qu’un bon entourage, des liens sociaux solides et un cadre de vie stimulant ne sont pas qu’un confort : ils sont aussi un pilier de la bonne santé cérébrale.
2. Un an de lecanemab au Japon : promesses et limites d’un traitement innovant contre Alzheimer
Un an après son autorisation au Japon, le lecanemab, un traitement modificateur de la maladie destiné aux stades précoces d’Alzheimer, a été administré à environ 6800 patients. Une enquête menée auprès de 311 spécialistes impliqués dans cette première phase d’utilisation met en lumière à la fois les avancées concrètes et les freins persistants à sa généralisation.
🟢Les points positifs :
- Délais d’accès raisonnables : dans 8 cas sur 10, les premières perfusions ont pu avoir lieu en moins de 3 mois après la consultation initiale.
- Tolérance jugée bonne : peu d’interruptions du traitement ont été rapportées. Les événements indésirables graves (notamment les anomalies d’imagerie liées à l’amyloïde – ARIA) sont restés peu fréquents, en deçà des taux observés dans les essais cliniques.
- Bonne acceptation par les patients et leurs familles, malgré les contraintes logistiques du traitement.
🔴 Mais les limites sont nombreuses :
- Forte pression sur les structures de soin : 1 spécialiste sur 4 signale un manque d’espace ou de personnel pour assurer les perfusions. La capacité actuelle est jugée inférieure à la demande anticipée dans plus de la moitié des établissements.
- Des critères d’éligibilité très stricts (IRM sans anomalies, biomarqueurs amyloïdes positifs, bilan cognitif compatible) combinés à des conditions rigoureuses sur les établissements (IRM 1,5T minimum, personnel qualifié, suivi ARIA, etc.) rendent difficile une large diffusion.
- Inégalités d’accès : faute de centres capables d’assurer les perfusions au long cours, les patients sont souvent concentrés dans quelques hôpitaux.
- Coûts non couverts : le test génétique APOE, pourtant utile pour évaluer les risques d’effets indésirables, n’est pas remboursé, et les frais liés à la perfusion ne sont pas suffisamment compensés par l’assurance maladie japonaise.
- Charge pour les professionnels : les médecins dénoncent un manque de reconnaissance financière pour la gestion complexe de ces traitements. À titre de comparaison, les perfusions pour cancer sont mieux valorisées.
💡 Des solutions concrètes sont proposées par les prescripteurs :
- Création d’un forfait dédié pour les perfusions (comme pour la chimiothérapie),
- Remboursement des tests génétiques (APOE) et à terme des biomarqueurs sanguins,
- Meilleure coordination entre hôpitaux et médecine de ville,
- Formation renforcée des soignants pour accompagner ces nouveaux traitements.
Après un an d’utilisation au Japon, le déploiement du lecanemab montre qu’un accès rapide au traitement est possible, grâce notamment à la structuration du système de santé local. Mais l’étude met aussi en lumière de nombreux freins : contraintes d’infrastructure, manque de personnel formé, absence de remboursement pour certains examens indispensables comme le test APOE, ou encore rentabilité insuffisante pour les hôpitaux. Des ajustements politiques seront essentiels pour garantir l’accessibilité et la viabilité de ce type de thérapies à grande échelle.
3. Alcool et Alzheimer : une vulnérabilité biologique confirmée chez les buveurs chroniques
Boire trop et trop souvent n’impacte pas uniquement le foie ou le cœur. Une nouvelle étude scientifique démontre qu’une consommation excessive et chronique d’alcool fragilise directement le cerveau et pourrait contribuer au développement de la maladie d’Alzheimer. Pour la première fois, des chercheurs ont comparé des données post-mortem issues de plus de 900 cerveaux humains (malades ou non, buveurs ou abstinents), tout en menant des analyses poussées chez des souris exposées à l’alcool de manière prolongée.
Résultat : l’alcool semble favoriser l’accumulation des protéines toxiques typiques d’Alzheimer, comme la protéine Tau ou le peptide amyloïde, via une dérégulation profonde du système immunitaire cérébral. Les cellules normalement chargées de protéger le cerveau, les astrocytes et la microglie, deviennent dysfonctionnelles. L’alcool stimule en effet une inflammation chronique, tout en affaiblissant les mécanismes de nettoyage et de régulation du cerveau.
Plus inquiétant encore, les chercheurs ont identifié des profils biologiques spécifiques : les personnes atteintes d’Alzheimer qui étaient aussi de gros buveurs présentent des signatures transcriptomiques distinctes, impliquant une activation exacerbée des cellules gliales et des voies de signalisation liées à l’inflammation, la mort neuronale et la dégradation de la myéline (gaine protectrice des neurones).
L’ensemble de ces résultats suggère que l’exposition chronique à l’alcool accélère ou aggrave les processus pathologiques de la maladie d’Alzheimer, en renforçant la vulnérabilité du cerveau. Une vulnérabilité qui pourrait passer inaperçue… jusqu’à ce qu’il soit trop tard.
/ En bref – Ce qu’il faut retenir
- Solitude et cerveau : l’imagerie révèle que l’isolement social pourrait accentuer les dépôts de protéine tau, notamment chez les personnes déjà fragiles sur le plan cognitif.
- Lecanemab au Japon : un an après son autorisation, le traitement montre des résultats encourageants, mais de fortes contraintes logistiques et financières freinent encore sa diffusion.
- Alcool et Alzheimer : la consommation excessive d’alcool dérègle l’immunité cérébrale, favorise l’accumulation de protéines toxiques et pourrait accélérer les processus pathologiques de la maladie.
/ Rendez-vous dimanche prochain !
Entre avancées thérapeutiques et vigilance sur les comportements du quotidien, ces travaux rappellent qu’aucune molécule ne remplace un mode de vie équilibré et un environnement social protecteur.
Préserver son cerveau, c’est aussi cultiver ses liens, modérer sa consommation d’alcool et soutenir la recherche, pour donner un futur à notre mémoire.
📅 Rendez-vous dimanche prochain pour un nouvel épisode sur les dernières avancées de la recherche mondiale sur le cerveau avec la Minute Cerveau & Recherche !

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