/ Les biomarqueurs

Par Dr Audrey Gabelle, Dr Gaël Chételat


La maladie d’Alzheimer se caractérise par des modifications cérébrales dont certaines peuvent être mesurées in vivo grâce à des biomarqueurs. Les biomarqueurs diagnostiques de la maladie d’Alzheimer sont des marqueurs reflétant, du vivant du patient, les lésions cérébrales caractéristiques de la maladie : les plaques séniles (composées de peptides beta-amyloïdes), les dégénérescences neuro-fibrillaires (composées de proteine Tau hyperphosphorylées), et les pertes neuronales et synaptiques.


Pour le diagnostic de maladie d’Alzheimer, deux catégories de biomarqueurs sont utilisés : les marqueurs d’imagerie morphologique et fonctionnelle et les marqueurs biologiques mesurés dans le Liquide Cérébro-Spinal (LCS, liquide qui entoure le cerveau).


L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) structurale permet de mettre en évidence une diminution de la taille des structures cérébrales, ou atrophie cérébrale, dans la maladie d’Alzheimer. Le plus souvent, l’atrophie touche en priorité la région hippocampique, en lien avec les troubles de mémoire épisodique, avant de s’étendre au néocortex temporal latéral puis au cortex cingulaire postérieur, temporo-pariétal et frontal avec l’avancée de la maladie.

La tomographie par émission de positon (TEP) utilisant le glucose radiomarqué (FDG) comme traceur est une autre technique d’imagerie fréquemment utilisée dans le bilan diagnostique de la maladie d’Alzheimer. Cette technique permet de mesurer la consommation de glucose dans les différentes structures cérébrales et renseigne donc sur le fonctionnement des structures. Il existe un profil caractéristique de diminution de consommation cérébrale de glucose (ou hypométabolisme) dans la maladie d’Alzheimer : le cortex cingulaire postérieur est le plus touché, de même que le cortex temporo-pariétal. Avec l’évolution de la maladie, l’hypométabolisme s’étend notamment dans le cortex frontal et progressivement dans l’ensemble du cortex. La nature et le degré des troubles cognitifs sont liés de façon relativement spécifique avec le degré et la localisation de l’atrophie et de l’hypométabolisme dans la maladie d’Alzheimer.

Aujourd’hui, il est également possible d’utiliser la TEP pour visualiser les lésions neuropathologiques caractéristiques de la MA : les dépôts amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires, en fonction du traceur qui est injecté au patient.

Les études en TEP-amyloïde ont montré une répartition relativement diffuse des dépôts amyloïdes sur l’ensemble du néocortex avec une prédominance dans les régions cingulaire postérieure, frontale médiane et temporo-pariétale. La présence (et la quantité) de dépôts est peu corrélée aux performances cognitives (certaines personnes âgés sans aucun trouble cognitif ont autant de dépôts amyloïdes que des patients Alzheimer). Cependant, elle est associée à un risque plus élevé de développer la maladie et à un déclin cognitif et une atrophie subséquente plus élevés. Les études en TEP-tau tendent quant à elles à mettre en évidence une répartition plus focale, initialement localisée principalement au niveau du lobe temporal et s’entendant progressivement au lobe pariétal et frontal, avec un lien plus étroit avec les troubles cognitifs que les dépôts amyloïdes. Malgré leur intérêt, la réalisation de TEP-amyloïde et/ou TEP-Tau n’est pas autorisée en France pour le diagnostic de maladie d’Alzheimer en pratique clinique de routine.


Actuellement, le seul examen disponible en pratique clinique qui permet de visualiser les lésions caractéristiques de la maladie d’Alzheimer in vivo est le dosage des biomarqueurs du Liquide Cérébro-Spinal (LCS). Après réalisation d’une ponction lombaire diagnostique dans des conditions standardisées (anesthésiants locaux, aiguilles atraumatiques, tubes de prélèvements spécifiques, chaîne de traitement du prélèvement adapté pour une bonne détermination des concentrations des protéines d’intérêt), les trois biomarqueurs sont mesurés. De nombreuses études ont souligné l’intérêt de ces biomarqueurs pour le diagnostic positif (maladie d’Alzheimer versus sujets contrôles sains), pour le diagnostic différentiel (MA versus autres types de démences, démences fronto-temporales, maladie à corps de Lewy, démences vasculaires) et pour le diagnostic dès les stades précoces de la maladie. Le profil typique des biomarqueurs du LCS de la maladie d’Alzheimer associe une diminution de la concentration du peptide Aβ42 et une augmentation des protéines Tau et de leurs formes phosphorylées P-Tau. En cas de profil atypique, comme par exemple, une augmentation de Tau et de P-Tau sans diminution d’Aβ42, le dosage de l’Aβ40 et la mesure du ratio Aβ42/Aβ40 sont réalisés pour améliorer la pertinence diagnostique. Une échelle PLM permet également de définir en fonction du profil des biomarqueurs la probabilité d’être atteint de maladie d’Alzheimer. 


Tous ces marqueurs d’imagerie (atrophie hippocampique, hypométabolisme temporo-pariétal, dépôts amyloïdes dans le néocortex) et du LCS (abaissement de l’amyloïde et augmentation de Tau) apparaissent de façon précoce dans le développement de la maladie, bien avant le stade de démence, et même avant l’apparition des premiers troubles cognitifs. Ils ont été intégrés aux critères diagnostiques révisés et permettent d’améliorer l’efficacité (la sensibilité et la spécificité) du diagnostic clinique, de proposer un diagnostic plus précoce (au stade pré-démentiel) afin de définir avec le patient une stratégie de prise en charge adaptée et personnalisée.


De nombreuses recherches sont en cours sur ces biomarqueurs pour optimiser leur utilisation pour le diagnostic, mais aussi pour élucider les mécanismes physiopathologiques de la maladie et découvrir de nouvelles pistes thérapeutiques